01 juillet 2018 Info +

Aquaculture : truites, algues et coquillages, l'équation vertueuse de Symbiomer

Combiner l'élevage de poissons à la culture d'algues et de coquillages, cette méthode qui s'inspire de la chaîne alimentaire naturelle permet de réduire l'impact environnemental de l'élevage en transformant ses déchets en ressources pour des espèces filtreuses cultivées à proximité immédiate. Une équation vertueuse testée au large de l'île de Bréhat, par une jeune start-up bretonne, Symbiomer. Reportage.

Obtenue fin 2017, à l'embouchure du Trieux dans les Côtes d'Armor, la concession marine de Symbiomer réunit l'élevage de truites arc-en-ciel et la production de macro-algues sur un espace de 3 hectares. "Nous avions un vrai défi à relever car il s'agit du premier élevage de poissons autorisé en mer depuis 1996", confie Alexis Bouvet, co-fondateur de Symbiomer. Spécialiste des algues, ce jeune Perrosien décide, en 2016, de s'associer à un ancien patron pêcheur emblématique de la région, Yannick Hemeury. Ensemble, ils montent leur projet d'aquaculture multi-trophique intégrée et immergent leur première cage durant l'hiver. L'objectif est de faire cohabiter des espèces appartenant chacune à un maillon de la chaîne alimentaire, en créant des connexions d’ordre trophique (ou nutritif) entre elles. "L'aquaculture traditionnelle est tellement décriée aujourd'hui qu'il m'a semblé interessant de combiner l'élevage de truites à la culture d'algues et de coquillages", explique l'ancien patron-pêcheur soulignant également l'opportunité de développement que représente ce modèle pour les pêcheurs et conchyliculteurs locaux.

Xavier Remongin / agriculture.gouv.fr

Valoriser la synergie entre les espèces

Le produit de la digestion des poissons donne deux types de rejets : des rejets insolubles qui peuvent d'être absorbés par des organismes filtreurs comme les Saint-Jacques présentes naturellement dans le secteur, et des substances inorganiques dissoutes comme l'azote, assimilées par les algues. Les rejets produits par une espèce (truite, saumon, daurade) sont ainsi recyclés par les algues et les coquillages pour préserver l'équilibre du milieu aquatique. "Nous avons voulu limiter les risques en terme d'impact sur le milieu en limitant fortement la densité d'élevage, en utilisant une alimentation de qualité et en intégrant un peu d'algues dans l'alimentation des truites de façon à stimuler leurs défenses immunitaires", explique Alexis Bouvet. Calées sur le même cycle, les filières de saccharina latissima sont récoltées début juin et vendues principalement dans le secteur de la cosmétique : "il y a une forte demande d'algues aujourd'hui et seuls 2% proviennent de l'algoculture".

Crédit ci-après
Xavier Remongin / agriculture.gouv.fr

Symbiomer a déposé un brevet pour sa cage flottante, çonçue comme navire pour un meilleur hydrodynamisme. Amarrée à une bouée, elle est reliée à un bloc de granit rose alvéolé qui présente l'avantage de se substituer au béton et de constituer un abris pour d'autres organismes filtreurs comme les crustacés (homard, crabe). L’avantage de cette structure permet d’être rapatriée à terre pendant la période estivale afin de libérer l’espace aux activités de plaisance. Une manière de consciler les bonnes grances des riverains et des acteurs du tourisme dans ce secteur très prisé durant l'été.

Après une première année "test", l'équipe se félicite du résultat : "nous avons pu démontrer que l'on pouvait très bien produire du poisson d'élevage sans intrants chimiques" souligne Alexis Bouvet tout en restant modeste : "nous n'avons pas réponse à tout mais nous pensons être une forme de réponse pour développer durablement l'aquaculture en France si ce n'est ailleurs".

En quoi consiste l'Aquaculture Multi-Trophique Intégrée (AMTI) ?

L'AMTI consiste à reproduire un écosystème naturel en combinant l'élevage de différentes espèces complémentaires, appartenant chacune à un maillon de la chaîne alimentaire. Les rejets organiques et inorganiques produits par une espèce, dites de nourrissage, comme les poissons (truite, saumon, daurade), servent d'aliments aux algues et coquillages cultivés à proximité. La présence de ces espèces filtreuses permet de réduite l'impact environnemental de l'élevage. Les fonds marins sont préservés et conservent leur équilibre.

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