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14 juin 2023 Info +

Amélioration de la qualité des repas en restauration collective : mobilisation des acteurs et premiers résultats - Analyse n°189

Les notes d’Analyse présentent en quatre pages l’essentiel des réflexions sur un sujet d’actualité relevant des champs d’intervention du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Selon les numéros, elles privilégient une approche prospective, stratégique ou évaluative.

Le volet « approvisionnement » de la loi EGAlim, entré en vigueur le 1er janvier 2022, fixe un objectif de 50 % de « produits durables et de qualité » (dont au moins 20 % de produits biologiques) dans la composition des repas servis en restauration collective. La loi Climat et résilience a élargi le champ des produits concernés et fixé un sous-objectif plus ambitieux pour les viandes et les produits de la pêche et de l’aquaculture, à respecter au 1er janvier 2024. Pour apprécier la mobilisation des acteurs sur le terrain, le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a commandé deux études à des prestataires externes et analysé les données collectées via la plateforme « ma cantine ». Cette note synthétise les connaissances actuelles sur la restauration collective et documente au mieux les taux d’approvisionnement1.

Introduction

Issue des États généraux de l’alimentation, la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous », dite « loi EGAlim », prévoit un ensemble de mesures concernant la restauration collective2. Par ailleurs, celle-ci est un des leviers d’action essentiels du troisième Programme national pour l’alimentation (PNA, 2019-2023).

Les approvisionnements en « produits durables et de qualité » sont mentionnés à l’article L.230-5-1 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM), qui définit neuf rubriques de produits éligibles3. Depuis le 1er janvier 2022, il porte à 50 % la part4 de ces produits devant entrer dans la composition des repas, dont au moins 20 % issus de l’agriculture biologique. Est concernée la restauration collective du secteur public et des établissements ayant une mission de service public : plus précisément, tous les restaurants collectifs sous la responsabilité d’une personne morale de droit public et, s’ils relèvent d’un établissement mentionné au L.230-5 du CRPM, sous la responsabilité d’une personne morale de droit privé. Toute la restauration collective privée sera concernée au 1er janvier 2024 : la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite « loi Climat et résilience ») étend ces objectifs à tous les restaurants collectifs sans exception, qu’ils relèvent de la responsabilité de personnes morales de droit public ou privé, à compter du 1er janvier 2024. Elle élargit le champ des produits concernés et fixe un sous-objectif de 60 % de produits durables et de qualité pour les viandes et les produits de la pêche et de l’aquaculture.

Le secteur de la restauration collective et son fonctionnement sont décrits par diverses études générales5 ou spécifiques6. Des organisations spécialisées se concentrent, pour leur part, sur les tendances des approvisionnements en produits biologiques (Agence bio par exemple)7. Pour autant, le niveau d’atteinte des objectifs définis par la loi EGAlim n’est pas détaillé par ces publications. Certaines Directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) ont mené, entre 2019 et 2021, des enquêtes8 à l’échelle de leur territoire pour effectuer une première évaluation de la mobilisation du secteur. Compte tenu de la priorité politique accordée au sujet et de l’obligation faite au gouvernement de rendre compte au Parlement9, plusieurs travaux sont venus compléter les éléments disponibles.

Leur conduite a nécessité de surmonter des difficultés méthodologiques : identification complète des unités du périmètre, représentativité des réponses obtenues, disponibilité des données, implication des répondants, etc. De plus, la loi EGAlim était ambitieuse tant en termes d’objectifs que de délais pour les atteindre : la part de produits biologiques était en effet estimée à seulement 3,4 % en 201710. Entre-temps, la restauration collective a été confrontée à deux années de crise (épidémie de Covid-19), puis à une inflation élevée (denrées, énergie, emballages).

Une première campagne nationale de collecte de données, sur l’ensemble du périmètre concerné, a été menée fin 2020, dans le cadre d’une étude réalisée pour le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire (MASA) et FranceAgriMer. Elle a montré que le niveau de connaissance de la loi, par les acteurs concernés, restait perfectible et que les taux d’approvisionnement en produits durables et de qualité, déclarés par les répondants, étaient éloignés des objectifs, avec notamment des difficultés pour fournir de l’information sur les montants d’achat. En moyenne, la part de produits durables et de qualité a été estimée entre 11 et 15 % en 2019, dont 5 à 10 % de produits biologiques (à partir de 455 réponses exploitables). En 2021, une deuxième étude, commandée par le MASA, visait à faire un état des lieux d’ensemble et un focus particulier sur trois segments de la restauration collective : le scolaire, le sanitaire et le médico-social. Ce travail s’est inscrit dans le prolongement d’une mission d’« appui à la mise en œuvre de l’objectif de 50 % de produits de qualité, durables ou biologiques dans la restauration collective des services publics », conduite par la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP), avec l’aide d’un prestataire externe. Les connaissances existantes sur l’alimentation durable en restauration collective ont été complétées par une vingtaine d’entretiens avec des acteurs du secteur. Une enquête réalisée avec « ma cantine »11 a apporté des éléments supplémentaires sur les trois segments visés. Conduite du 8 au 26 novembre 2021, elle a été relayée par les réseaux professionnels du secteur. 428 gestionnaires ont répondu, représentant 804 lieux de service associés à 674 cuisines. Comme pour les précédentes enquêtes nationales, le taux de réponse est très faible par rapport au périmètre ciblé (< 1 %). Néanmoins, l’analyse qualitative des résultats combinée aux entretiens a permis de tirer des enseignements sur les jeux d’acteurs et le degré d’application de la mesure.

Enfin, de juillet à décembre 2022, la première campagne de recueil des données d’achat 2021, à télédéclarer sur « ma cantine », a été organisée par le MASA. Les 3 281 répondants ont pu renseigner les valeurs HT d’achats de denrées alimentaires (totales et par catégories de produits), donner des compléments sur les viandes et les produits de la pêche et de l’aquaculture, renseigner l’origine française pour les viandes et volailles fraîches ou surgelées. Les éléments obtenus correspondent à environ 8 000 restaurants, 531 millions de repas servis par an et 904 millions d’euros d’achat de produits alimentaires (soit une représentation d’environ 13 % du secteur). Ils complètent les résultats antérieurs et confortent l’analyse des tendances.

La première partie de cette note décrit les principaux acteurs de la restauration collective. Elle apporte ensuite des éléments pour apprécier la progression de la restauration collective vers l’atteinte des objectifs fixés par la loi EGAlim en matière de produits durables et de qualité.

1) La restauration collective : diversité d’acteurs, de pratiques et de modes d’organisation

La restauration collective, publique et privée, se caractérise par une grande diversité de secteurs d’activité, d’acteurs, de logiques d’action, de convives, de statuts et de modes de fonctionnement.

La segmentation du périmètre d’application de l’article 24 de la loi EGAlim12

Les acteurs concernés ne relèvent pas d’un seul secteur ou d’une seule branche d’activités au sens de la nomenclature d’activités française (Insee). Selon des estimations récentes, plus de 80 000 restaurants collectifs (lieux de service) de France métropolitaine et d’Outre mer seraient concernés. Appartenant à divers segments, selon les publics visés et la nature des établissements où ils se situent (scolaire, hospitalier, social, médico-social, administratif, pénitentiaire, universitaire, etc.), ils servent plus de 3,5 milliards de repas par an (tableau 1). La préparation de ces repas requiert des approvisionnements en denrées dont la valeur d’achat est estimée à près de 7 milliards d’euros (tableau 2). Les secteurs du scolaire, de la santé et du médico-social représentent plus de 80 % du marché. Les pouvoirs publics sont un levier d’autant plus fort de l’amélioration de la qualité des repas que les restaurants rattachés à des structures publiques représentent environ 70 % de l’ensemble du périmètre.

Tableau 1 – Répartition du marché de la restauration collective (hors restaurants d’entreprises privées) entre les différents segments (millions de repas par an)

Le tableau donne une estimation de la répartition du nombre de repas servis en 2021 selon les différents segments de la restauration collective (scolaire, hôpitaux, établissements sociaux et médico-sociaux, etc.) et selon que les restaurants sont sous la responsabilité d’une personne morale de droit public ou de droit privé. Au total, en 2021, 2 469 millions de repas ont été servis dans des restaurants sous la responsabilité d’une personne morale de droit public et 1 093 millions dans les restaurants sous la responsabilité d’une personne morale de droit privé.

Source : EY, d’après Insee, 2020/2021, Dénombrement des équipements en 2020 (commerce, services, santé, etc.) ; Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), 2021, Repères et références statistiques ; Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), 2021, Statistique annuelle des établissements de santé (SAE) ; Le portail de la Fonction publique, 2020, L’emploi dans la fonction publique en 2019 (premiers résultats) ; CGAAER, 2017 ; FranceAgriMer, 2018, Rapport complet. Panorama de la consommation alimentaire hors domicile.
Lecture : le tiret correspond à des situations qui n’existent pas.

Tableau 2 – Caractéristiques des restaurants du périmètre EGAlim

Le tableau donne, pour les différents segments de la restauration collective, les principaux indicateurs les caractérisant. Par exemple, le secteur scolaire représente :
- 62 625 restaurants dont 66 % en moyenne sont en gestion concédée ;
- 1 422 millions de repas servis par an à 13,576 millions de convives ;
- un montant estimé d’approvisionnement en denrées alimentaires compris entre 2 322 et 2 360 millions d’euros par an, soit un coût moyen matière par repas estimé entre 1,63 et 1,66 euro.

Sources : EY, d’après Insee, 2020/2021 ; DEPP, 2021 ; CGAAER, 2017 ; Anses, 2017, Étude INCA 3 ; ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, 2014, L’état de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ; etudiant.gouv.fr ; Observatoire national de la vie étudiante, 2016, Enquête nationale conditions de vie des étudiant-e-s ; DREES, 2021 ; ministère de la Justice, 2020, Statistique des établissements des personnes écrouées en France ; ministère des Armées, 2020, Les chiffres de la Défense.

L’hétérogénéité des pratiques d’approvisionnement

Les établissements de restauration collective ont des pratiques d’approvisionnement en produits alimentaires, des outils de suivi informatique et des circuits de remontée d’information hétérogènes. Le mode de gestion de l’établissement, direct ou concédé, a un impact sur la mise en œuvre de la loi. En effet, le responsable en gestion directe (environ 60 % de la restauration collective) est seul impliqué dans la mise en adéquation de sa structure avec les objectifs de la loi. En gestion concédée (environ 40 % de la restauration collective), cette mise en œuvre implique de travailler avec le délégataire en charge du service, qu’il s’agisse de la fourniture d’une prestation de repas ou d’une délégation de service public (DSP)13.

Les modalités de confection des repas diffèrent aussi selon les lieux de service, qui disposent d’une cuisine sur place ou dépendent d’une cuisine centrale. En amont, l’approvisionnement en denrées peut s’effectuer directement auprès de producteurs ou de grossistes, être assuré par des centrales d’achat ou à travers un groupement de commandes entre acheteurs, ou encore en combinant ces possibilités.

Enfin, le niveau de prise de décision des achats de produits durables et de qualité varie selon les segments. À titre d’exemple, la compétence restauration scolaire pour les établissements publics du premier degré relève des Communes ou des Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), tandis que celle pour les collèges publics relève des Départements et celle pour les lycées publics des Régions. Dans le cas des collèges et lycées, responsabilité est donnée aux chefs des Établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) de mettre en œuvre le service et les achats de restauration scolaire. Dans tous les cas, le service peut faire l’objet d’une prestation extérieure. Notons que l’enseignement privé, représenté à 95 % par la Fédération nationale des organismes de gestion des établissements de l’Enseignement catholique (FNOGEC), concède la gestion des restaurants, alors que celle des lycées agricoles publics est directe à 100 %.

Les acteurs de la restauration collective

Au-delà des restaurants soumis à l’obligation, la réforme concerne d’autres acteurs du secteur entendu au sens large et prenant part aux approvisionnements en tant que prestataires ou fournisseurs.

Les Sociétés de restauration collective (SRC) sont des prestataires auxquels est délégué tout ou partie de l’organisation et de l’élaboration des repas et du service. En 2019, la restauration collective concédée représentait 11 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit 14 % de celui de la restauration hors foyer14. Comme pour d’autres acteurs, des outils de suivi des approvisionnements et d’information des clients existent. Les SRC mettent également à disposition des clients un taux en approvisionnements dits « responsables », afin de prendre en compte des critères spécifiques fixés par le commanditaire, en plus des critères EGAlim.

Par ailleurs, les restaurants en gestion directe et les sociétés de restauration s’approvisionnent auprès de producteurs et de grossistes. Le commerce de gros de produits alimentaires et de boissons hors tabac comptait 18 836 entreprises, en 2020, pour un chiffre d’affaires global de 100,2 milliards d’euros15. La part d’activité dédiée à la restauration collective s’étend de 30 % à 65 %, dans l’échantillon des acteurs rencontrés en 2021. Pour répondre aux exigences de la loi et s’adapter au changement opéré dans les contrats, les fournisseurs ont développé de nouvelles gammes de produits entrant dans les objectifs EGAlim, tout en maintenant leur positionnement sur des types de produits précis (biologiques, locaux, etc.).

Enfin, les établissements peuvent être informés et accompagnés par des réseaux spécialisés (en restauration collective ou pour certaines catégories de produits) ou par les instances de représentation. Ces acteurs, réunis dans le Conseil national de la restauration collective (CNRC), soutiennent la démarche d’amélioration de la qualité des repas servis dans les restaurants collectifs. Ce faisant, un travail de veille, de sensibilisation et de communication des exigences d’EGAlim est organisé, pour faciliter la mise en œuvre des mesures. Au-delà de la diffusion d’informations, ces réseaux sont des vecteurs d’accélération : ils permettent le déploiement d’outils (guides, supports de reporting, mise en relation entre producteurs et acheteurs, etc.), participent au financement d’initiatives vertueuses et réalisent des enquêtes afin de connaître les démarches engagées et les besoins d’accompagnement supplémentaires.

2) Dynamiques de mise en œuvre des objectifs d’approvisionnement

Les éléments qualitatifs collectés apportent des éclairages sur les dynamiques en cours : progression des taux d’approvisionnement, mobilisation des acteurs et des établissements.

Des taux encore faibles qui progresseraient

À ce jour, les données disponibles ne permettent pas d’avoir une vision d’ensemble ou d’estimer statistiquement les taux d’approvisionnements des restaurants collectifs concernés par la loi. Toutefois, en complément des enquêtes précédentes, la campagne de télédéclaration sur « ma cantine », menée en 2022 sur les achats 2021, permet de dégager des enseignements. Si les répondants ne peuvent être considérés comme statistiquement représentatifs de leur secteur, ils sont bien plus nombreux que dans les précédents travaux. Les 3 281 déclarations correspondent à environ 10 % du total estimé des lieux de service : 2 887 cuisines sur place, servant en moyenne 370 repas par jour ; 349 cuisines centrales, produisant en moyenne journalière 1 600 repas. Les déclarants élaborent, selon les estimations, de 14 à 17 % du volume total de repas.

En 2021, les taux globaux d’achat déclarés seraient de 11 % pour les produits biologiques, 6 % pour les produits sous Signes d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO - hors produits biologiques) et 23 % pour l’ensemble des produits « EGAlim ». Cela correspond à 95,7 millions d’euros d’achats de produits biologiques et à 55,5 millions d’euros de produits sous SIQO (autres que biologiques). Par ailleurs, seulement 11 % des déclarants ont atteint les objectifs de 20 % de produits biologiques et de 50 % de produits durables et de qualité. Toutefois, ces résultats traduisent une dynamique du secteur et une mobilisation sur les dernières années, malgré des freins liés au contexte sanitaire.

Les données collectées pour 2021 apportent aussi des éclairages sur les viandes et produits de la pêche et de l’aquaculture. Il y a moins de répondants (environ 800) et les résultats sont donc encore plus fragiles. Les achats de viandes représenteraient 19 % des achats totaux, et ceux de produits de la pêche et de l’aquaculture 6 %. Pour les viandes, 34 % des achats relèveraient des produits durables et de qualité, et 45 % seraient d’origine française. Pour les produits de la pêche et de l’aquaculture, 39 % des achats seraient durables et de qualité. Ces taux élevés sont à prendre avec précaution car les déclarations sont préférentiellement faites par la fraction la plus engagée des gestionnaires ou par des acteurs qui privilégient ces deux catégories pour atteindre les objectifs EGAlim. De plus, il y a des interprétations variables ou des incertitudes dans le classement des produits (ex. produits sous labels privés comptés dans les produits EGAlim).

Des situations très diverses

L’enquête réalisée en 2021 constatait la variabilité des niveaux d’engagement des gestionnaires d’établissement, dépendant de différents facteurs : outillage pour suivre les approvisionnements ; nombre de cuisines à leur charge ; taille des restaurants (nombre de repas servis par jour) ; secteur (scolaire, sanitaire, médico-social, etc.). Elle relevait également des différences de mobilisation, avec :
- un secteur scolaire relativement dynamique, en particulier les établissements publics, et ce malgré des contraintes politiques locales qui privilégient parfois des achats locaux aux achats EGAlim ;
- un secteur de la santé, et notamment les hôpitaux et établissements médico-sociaux, moins proactif et engagé dans la dynamique, et rencontrant des défis importants (budgets contraints depuis plusieurs décennies, impact fort de la crise sanitaire sur le secteur hospitalier depuis 2020) ;
- une collecte d’informations auprès des établissements médico-sociaux particulièrement difficile, en raison du faible taux de réponse des gestionnaires, et des EHPAD disant concentrer leurs efforts sur la lutte contre la dénutrition des résidents et sur la réduction du gaspillage alimentaire, avec des repas « plaisants » et qui seront effectivement consommés.

Pour 2021, d’après les données collectées, les disparités sont toujours présentes. La disponibilité des informations reste variable, comme la compréhension des périmètres de chaque catégorie de produits. Les taux de réponse sont plus élevés pour les montants d’achat totaux, mais aussi pour les produits biologiques et sous autres SIQO. Les montants des autres catégories sont moins renseignés (60 % des déclarations seulement). De plus, comme l’attestent les méthodologues spécialistes de ce type d’enquête, il est probable qu’une partie des cuisines ayant déclaré leurs données sont les plus informées et les plus engagées dans le changement. C’est probablement ce qui explique les taux élevés d’approvisionnement déclarés pour les catégories « viandes » et « produits de la pêche et de l’aquaculture ». Par ailleurs, les disparités entre secteurs se maintiennent. Elles ont été analysées à partir d‘un échantillon restreint à 2 932 répondants (soit 44 % du montant des achats totaux), les réponses des cuisines centrales n’ayant pu être affectées directement à un ou des secteurs (tableau 3). Les cantines scolaires conservent une dynamique marquée : elles représentent 73 % des déclarants, contre 15 % pour le médico-social, 6 % pour les établissements administratifs et 4 % pour le sanitaire (représentant tout de même 21 % des achats). Le secteur scolaire, et en particulier le primaire, présenterait des taux d’approvisionnement élevés (23 % en produits biologiques, 44 % pour les produits durables et de qualité). Enfin, par rapport à l’ensemble de la restauration collective, les structures en gestion directe sont sur-représentées (76 % contre 56 % en moyenne), avec plutôt des structures de tailles petite (moins de 200 repas/jour) et moyenne (de 200 à 700 repas/jour).

Tableau 3 – Répartition, selon les secteurs, des télédéclarants, en fonction de leur taux global d’approvisionnement en produits durables et de qualité

Le tableau donne, pour les différents secteurs de la restauration collective, la répartition du nombre de télédéclarants, la valeur des achats dont la part en produits biologiques et celle en produits durables et de qualité.
Au total, 2 932 répondants ont télédéclaré 505,5 millions d’euros d’achats dont 9 % en produits biologiques et 22 % en produits durables et de qualité.

Sources : auteurs
Lecture : (1) Les autres sous-secteurs de l’enseignement comprennent le secondaire (collège, lycée), le supérieur, l’universitaire, etc.
(2) Le tableau est restreint à 2 932 télédéclarations, sur les 3 291 obtenues au total, en excluant les cuisines centrales qui n’ont pas pu être affectées à un seul secteur.

Conclusion

La loi EGAlim a fixé des objectifs ambitieux au secteur de la restauration collective en matière d’approvisionnement, que la loi Climat et résilience a récemment complétés. Les diverses données disponibles montrent, malgré leurs limites, que des dynamiques positives sont engagées, en faveur du changement voulu par la loi. Toutefois, les objectifs n’ont pas été atteints collectivement au 1er janvier 2022, en raison de divers freins : déficits d’information des acteurs sur les objectifs législatifs, surcoûts, habitudes des chaînes d’approvisionnement, méconnaissance de l’offre, crise sanitaire, contexte inflationniste, traduction parfois difficile des engagements en actions concrètes, etc.

L’atteinte de ces objectifs ambitieux au regard des structures, organisations et modes de fonctionnement hétérogènes de la restauration collective, nécessitera encore du temps. L’ensemble des obligations ne sera intégré que progressivement dans les pratiques des acteurs.

Ces derniers auront encore besoin d’un accompagnement important et adapté à leurs niveaux d’engagement. Il passera en priorité par le déploiement de la plateforme « ma cantine » et par l’aide apportée aux utilisateurs. Par ailleurs, la prise en compte des difficultés économiques liées à l’inflation et la mobilisation de toutes les catégories de produits EGAlim, pour atteindre plus rapidement les objectifs, seront essentielles.

Enfin, la collecte d’informations sur les approvisionnements des restaurants, via « ma cantine », devra être poursuivie sur un périmètre le plus complet possible, de manière annuelle, pour disposer d’un suivi fiable et régulier des avancées du secteur. La réussite de ce suivi dépendra notamment de l’implication des acteurs, des améliorations de l’outil mis en œuvre et de la constitution d’une base de données de référence.

Julia Gassie, Jérôme Lerbourg
CEP
Mathilde Leygnac, Frederika Lhuissier, Valérie Merle
DGAL


1 Cette note reprend partiellement un premier document auquel avaient contribué, en 2022, Guéric Jacquet et Xavier Guillas (EY).

2 On considère ici que la « restauration collective » regroupe une activité de restauration hors foyer, fournissant des repas à une collectivité de consommateurs réguliers, à laquelle elle est liée par accord ou par contrat, ainsi que, le cas échéant, l’activité des cuisines centrales qui les approvisionnent.

3 Les neuf rubriques sont les suivantes : produits issus de l’agriculture biologique ou en conversion ; Label rouge, appellation d’origine contrôlée ou protégée, indication géographique protégée, spécialité traditionnelle garantie, mention « issu d’une exploitation à Haute Valeur Environnementale », mention « fermier » ou « produit de la ferme » ou « produit à la ferme » (seulement si définition réglementaire des conditions de productions) ; produits issus d’une exploitation bénéficiant de la certification environnementale de niveau 2 (jusqu’au 31/12/2026) ; commerce équitable ; écolabel Pêche durable ; produits bénéficiant du logo « Région ultrapériphérique » ; produits « équivalents » à ceux bénéficiant des signes, mentions, écolabels ou certifications précédents ; produits acquis selon des modalités prenant en compte les coûts imputés aux externalités environnementales pendant leur cycle de vie ; produits dont l’acquisition a été fondée, principalement, sur les performances en matière de protection de l’environnement et de développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture.

4 Calcul de cette part : valeur hors taxe (HT) d’achats en euros de produits alimentaires par année civile, répondant à au moins un des critères de qualité et de durabilité définis par la loi, rapportée à la valeur HT en euros de l’ensemble des achats de produits alimentaires entrant dans la composition des repas.

5 Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), 2017, Sociétés de restauration collective en gestion concédée, en restauration commerciale et approvisionnements de proximité ; GIRA Foodservice pour FranceAgriMer, 2018, Panorama de la consommation alimentaire hors domicile ; Ademe, 2021, Freins et leviers pour une restauration collective scolaire plus durable ; Banque des territoires, 2021, Stratégies de transition alimentaire et restauration collective ; Souquet C., 2021, « Restauration collective : des difficultés structurelles exacerbées par la crise sanitaire », Insee Première, n° 1840.

6 Association des maires de France (AMF), 2020, Panorama de la restauration scolaire après la loi EGAlim.

7 Agence Bio, 2019, Mesure de l’introduction des produits bio en restauration collective.

8 Les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Corse, Bourgogne-Franche-Comté, Grand-Est, Hauts-de-France, Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Nouvelle-Aquitaine et la Réunion, notamment, ont tenté d’établir un point de départ pour la mesure de l’atteinte des objectifs d’approvisionnements en produits durables et de qualité.

9 Conformément à l’article L.230-5-1 du CRPM, un rapport annuel du gouvernement au Parlement établit un bilan de l’atteinte des objectifs d’approvisionnement fixés à la restauration collective. Le premier rapport a été transmis en juin 2023.

10 Agence bio, 2018, Le marché alimentaire bio en 2017.

11 « ma cantine » est une plateforme gouvernementale mise en ligne en février 2021, développée par le MASA avec l’appui de la Direction interministérielle du numérique. Cet outil vise à accompagner les acteurs de la restauration collective dans l’application des mesures de la loi EGAlim : mise à disposition de ressources et proposition d’outils ad hoc, notamment de suivi des achats. Sa page « publication » fait savoir aux convives les efforts réalisés dans les différents domaines de la loi. Enfin, la plateforme accueille l’outil de déclaration annuelle, par les restaurants, de la valeur des achats de produits durables et de qualité.

12 Ce périmètre correspond aux restaurants collectifs, à l’exception de ceux relevant d’une personne morale de droit privé sans vocation de service public (essentiellement les restaurants des entreprises privées).

13 La délégation de service public sous-entend la prise en charge du risque lié à l’exploitation du service de restauration par l’entreprise prestataire.

14 Souquet C., 2021, op. cit.

15 SSP, 2022, GraphAgri 2022.